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Nos amis les bêtes, des voisins parfois complexes à adopter

Lors du premier confinement lié à la pandémie de Covid-19 – entre mars et mai 2020 en France –, les citadins découvraient avec stupeur une faune ordinairement discrète. Dans les centres-villes du monde entier, canards, renards, sangliers, daims, pumas, ou encore caïmans s’aventuraient dans les rues des métropoles désertées à la recherche de nourriture. Au Japon, des dizaines de cerfs s’échappaient du célèbre parc naturel de Nara tandis qu’à Lopburi, en Thaïlande, plusieurs centaines de singes se livraient à un véritable pugilat. Partout, les mesures imposées par les autorités publiques dans le but de freiner la propagation du virus rebattaient les cartes du monopole exercé par les humains dans l’occupation de l’espace.
Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : Réinventons la ville », septembre 2024, en vente dans les kiosques ou sur le site de notre boutique.
Si les réseaux sociaux regorgeaient de posts témoignant avec bonheur de ce phénomène, le changement rapide de comportement chez de nombreuses espèces animales n’était pas sans conséquence et relevait autant des bienfaits éphémères induits par la réduction de nos activités que de la relation que nous avions tissée avec elles pendant cette brève parenthèse. Mais le rêve d’un partage des espaces plus respectueux avec le reste du vivant impose un changement radical de notre vision anthropocentrique du monde.
La ville médiévale marquée par l’omniprésence des animaux, qu’ils soient source de nourriture ou de menace, atteste que cette cohabitation compliquée avec le règne animal ne date pas d’hier. Le loup, qui cristallise depuis la guerre de Cent Ans cette peur de l’animal féroce surgissant dans l’espace ordonné des hommes, incarne parfaitement la frontière délimitant la place dévolue aux animaux domestiques d’une part, et aux animaux sauvages ou nuisibles d’autre part. Les vestiges de l’animalité médiévale à Paris sont encore visibles aujourd’hui à travers l’architecture et dans la taxinomie de certaines rues, et nous rappellent à quel point la relation entre l’homme et l’animal a été fondamentale dans le développement de la ville et de sa culture.
Au milieu du XIVe siècle, Paris, avec 200 000 habitants, est la plus grande cité européenne et le demeure jusqu’à la fin du XVIIe siècle, avant d’être détrônée par Londres, dont la population dépasse alors les 500 000 personnes. Assurer un ravitaillement alimentaire régulier est une tâche ardue dans ces villes en pleine expansion. Le défrichement des forêts, commencé au XIe siècle dans le royaume de France et le royaume d’Angleterre, a favorisé un essor considérable de l’élevage. Durant l’année 1394, près de 180 000 bœufs, porcs, veaux et moutons sont abattus à Paris.
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